Ethique des affaires : 3 objets d’étude pour un seul mot

Au travers de mes différentes lectures, je trouve fréquemment l’expression « éthique des affaires ». Mais j’ai quelques fois l’intuition que les auteurs ne mettent pas la même signification dans ces mots : certains refusent même l’expression et lui préfèrent par exemple « éthique organisationnelle », « éthique économique », « éthique d’entreprise »… C’est une bataille de mots mais elle me semble importante.

L’enjeu est d’empêcher l’éthique des affaires de devenir une notion si vague qu’on puisse lui attribuer tout et son contraire : plus la notion apparaît comme un amalgame mal délimité, plus elle est perçue comme artificielle. Il n’y a plus qu’un pas pour considérer que c’est un grand bluff : des intentions pieuses mais rien que du vent.

En fait, l’éthique des affaires, en tant que champ d’étude, a trois objets distincts et la confusion que je ressens parfois vient précisément du mélange entre ces trois champs. L’écoute de l’émission de radio Questions d’éthique, diffusée sur France Culture et animée par Monique Canto-Sperber, a été pour moi particulièrement profitable. Plus précisément, l’émission sur L’éthique des affaires avec Alain Anquetil, diffusée en novembre 2013.

Selon Anquetil, l’éthique des affaires s’intéresse, en tant que discipline, à 3 objets différents :

  1. l’individu au sein d’une entreprise et les situations moralement problématiques qu’il rencontre : il s’agit d’une réflexion principalement centrée sur la prise de décision.
  2. l’entreprise en tant que communauté humaine : il s’agit ici d’une réflexion sur le mode d’organisation le plus favorable au développement d’un « bon climat éthique » au sein du groupe.
  3. l’entreprise en tant que personne morale qui réalise des buts fondamentaux ou des valeurs sociales : c’est la réflexion sur son rôle dans la société, autrement dit la Responsabilité Sociale de L’Entreprise.

Ce qui m’interesse plus particulièrement, c’est ce premier volet : celui qui vise les hommes et les femmes qui prennent des décisions dans le cadre de leur activité professionnelle et qui sont responsables de ces choix. Pour préciser l’importance du lien entre une personne et le rôle qu’elle a dans son entreprise, je citerai Robert C. Solomon, professeur de philosophie à l’Université d’Austin au Texas :

« Bien que je continuerai à soutenir que l’entité qui assume les responsabilités demeure l’individu, celui-ci, dans le monde des affaires d’aujourd’hui (ndr : le texte date de 1992), n’opère pas dans un vide social. Il est bien plus qu’un employé – qu’il soit magasinier ou directeur financier – et pour le comprendre, nous devons partir de l’unité de base qu’est l’entreprise et dont le premier but est « de gagner de l’argent ». La théorie en éthique des affaires devient ainsi la théorie qui décrit et étudie les individus dans (et hors de) leurs rôles dans l’entreprise, ainsi que le rôle des affaires et des entreprises dans la société.
Dans les entreprises, les personnes sont, en fin de compte, responsables en tant qu’individus. Mais elles sont responsables en tant qu’individus dans un cadre collectif dans lequel leurs responsabilités sont au moins en partie définies par leurs rôles et leurs missions au sein de la firme et, bien sûr, par « les résultats financiers » « . (extrait de Rôles professionnels, vertus personnelles : une approche aristotélicienne de l’éthique des affaires (1992) in Anquetil A. Ethique des affaires : marché, règle et responsabilité, VRIN, 2011, page 203)

Je vois ici le lien fondamental avec le coaching professionnel : le coach accompagne un client qui doit faire face à une situation professionnelle délicate et il s’agit bien d’atteindre un objectif clair et préalablement défini. Souvent, le prescripteur du coaching est l’entreprise pour laquelle travaille le client : à supposer qu’ils se sont mis d’accord sur un objectif à atteindre et sur des éléments pour le mesurer, le coach travaille (bien que de façon différente) pour l’un ET pour l’autre, en vue d’un objectif commun et en tenant compte des rôles de chacun. Le maître-mot est ici le « résultat », qui doit être profitable à la fois à l’entreprise qui prescrit et à la fois au client qui est accompagné par le coach : résultat gagnant/gagnant.

Je ne suis cependant pas naïf car j’ai bien conscience que le coach peut être utilisé, voire manipulé, aussi bien par le prescripteur que par le client, pour atteindre un objectif caché et inavouable. Le coach doit aussi mener une réflexion éthique sur sa pratique, sur le rôle qu’il a à jouer (ou qu’on lui fait jouer) et sur les limites qu’il se fixe en cas de dilemmes moraux dans l’exercice de son métier.

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