Que c’est bon d’être méchant ! De Martin Scorsese à Thomas Roulet

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Que c'est bon d'être méchant !


Il y a quelques jours, je me suis installé confortablement sur mon canapé et j’ai regardé Le loup de Wall Street de Martin Scorsese.

C’est un film sorti en 2013, avec Leonardo DiCaprio en haut de l’affiche : il s’agit de l’adaptation de l’autobiographie de Jordan Belfort, trader au cours des années 80 : ça commence par son ascension fulgurante, sa fortune indécente, ses malversations et ses excès, et ça se termine par sa chute et sa rédemption.
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Mais attention, ce n’est pas fondamentalement un film sur la finance et les traders. En effet, si WallStreet fait partie du décor et que l’un des premiers postes de Belfort est celui de trader, il me semble que le personnage principal est bien plus un vendeur génial ; c’est également un leader charismatique, qui parvient à transmettre ses délires et ses excès à ses équipes ; l’argent n’est pas ici une question de pouvoir mais bien plus une question de fun… Le film de Scorsese raconte la transformation d’un jeune homme ambitieux en un homme qui se permet tout, au delà de toutes limites, se croyant invincible.

J’ai trouvé une critique publiée dans Libération par Didier Péron, qui résume plutôt bien le film : selon lui, c’est un « portrait scorsésien (…) de l’ascension et la chute d’une crapule séduisante guidée par le seul aveuglement de ses instincts avides ». Ok, le film a reçu de nombreuses récompenses mais ça n’en fait pas pour autant un film captivant : les acteurs sont formidables et DiCaprio a un charisme incroyable ! Mais le film dure tout de même 3 heures et ça part dans tous les sens : j’avoue que ça devient un peu longuet… surtout à partir du début 😉

Je retiendrai néanmoins un passage qui me permet de faire le lien avec le travail de Thomas Roulet, professeur et chercheur à l’Université de Bath (un français qui enseigne en Angleterre, dites donc…).
Le passage qui m’intéresse ici, se situe vers la 38ième minute : Jordan reçoit une journaliste de Forbes pour une interview qu’il pense lui être favorable. Mais l’article est lapidaire et la journaliste le surnomme « le loup de Wallstreet ». Jordan est d’abord fou de rage mais sa femme lui répond que « c’est toujours une bonne chose, il n’y a pas de mauvaise publicité ! C’est génial, t’es dans une revue hyper-connue !». Le lendemain matin, en arrivant au bureau, il découvre des dizaines de jeunes gens encravatés qui se bousculent à l’accueil et qui veulent tous travailler pour lui. Forbes avait fait de lui une super-star.

Je fais le lien ici avec un article de Thomas Roulet qui s’intitule « Qu’il est bon d’être méchant ! Paradoxe de l’illégitimité organisationnelle dans le contexte des banques d’investissement ». Le titre peut faire peur mais l’interview qu’il a donnée sur xerfi-precepta-strategiques-tv.com est très claire.

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Cliquez pour voir l’interview

Il explique que lorsque qu’un organisme financier peu scrupuleux est pris la main dans le sac, la situation qui en résulte est particulièrement paradoxale :

  • plus il est attaqué par les médias et rejeté par l’opinion publique, plus il est considéré comme prestigieux par les autres acteurs de l’industrie financière.

La position de la banque d’affaires qui est montrée du doigt est paradoxalement renforcée, d’un part en étant reconnue comme un acteur qui n’hésite pas sur les moyens pour atteindre ses fins, et d’autre part en étant soutenue par ses consoeurs. Il devient donc profitable d’être pris en flagrant délit de magouille et d’être reconnu pour ça : en un mot, qu’il est bon d’être méchant !

 

Références complètes de l’article de Roulet :
Thomas Roulet, « Qu’il est bon d’être méchant ! Paradoxe de l’illégitimité organisationnelle dans le contexte des banques d’investissement », Revue française de gestion 2015/3 (N° 248), p.41-55

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